Nous sommes le 4 Octobre 2021.

Deux ans. Deux ans se sont écoulés depuis le début du développement de NekoPunk. Ca fait une trotte. Deux ans que je pose des lignes de code et des assets comme des briques. Je n’ai absolument aucune idée à propos de où je vais mais je sais d’où je viens. C’est-à-dire de l’Oubli. Dans le dictionnaire, c’est un mot situé entre Névrose et Précarité. En France, le syndrome d’Asperger est considéré comme oublié, ingérable.

Deux ans que je développe NekoPunk dans des conditions de chien, en ne demandant presque rien, pas de subventions, pas d’aide de je ne sais quel organisme et pas de coaching. Et surtout, qu’on ne me parle pas d’équipe à gérer ou à manager.

Deux ans que j’avance, un pas devant l’autre. Je mange souvent des pâtes, le jeu a connu la dure étape du confinement durant lequel il a failli avorter, des grosses railleries dues à une formation pourrie en développement web qui ne valait pas la peine d’être suivie jusqu’au bout - franchement, j’aurais aussi très bien pu ne pas me casser les couilles avec ça.

Le jeu vidéo, c’est quelque chose que je veux faire depuis tout petit. Tu me mettais devant une Master System, je m’amusais avec Sonic à courir et récupérer des anneaux. Moi, je cherchais déjà à savoir, alors que je n’avais que six ans, dans ma pauvreté et dans ma solitude, ce qu’il se passait du côté de la machine entre le moment où j’appuyais sur un bouton et le moment où Sonic sautait. C’est à ce moment-là que le constant a été très clair dans ma tête : “C’est ça que je dois faire de ma vie”.

La réalité en a voulu autrement.

Je n’ai pas fait d’études en jeu vidéo. D’ailleurs, puisqu’on en parle, mon parcours scolaire ressemble plus à un sacré bordel anarchiste qu’à un parcours scolaire. J’ai eu mon bac, j’ai même eu un BTS en informatique pure et dure. Plus tard, c’était l’entrée en école d’ingénieur et le début d’une très grosse débâcle. Soyons clairs. Je ne vais pas faire de drama ou vous inviter à pleurer sur mon sort, je me contenterai juste de dire que j’ai subi du harcèlement scolaire qui est parti vraiment trop loin. S’en est suivie une très grosse dépression qui a duré des années.

J’ai dit des choses pas très glorieuses, j’ai traîné dans des sales histoires et j’ai fait des choses dont je ne suis pas très fier. Et cette vie m’a hanté durant toute mon adolescence. Je ne sais pas trop quoi penser de tout ça, mis à part que j’ai vomi des textes plus noirs que le fond du Styx.

J’ai commencé à développer des jeux vidéo sans faire d’études au préalable, non seulement à cause de mon parcours scolaire absolument moisi du cul, mais surtout à cause d’une haine absolue envers le système capitaliste et un mépris sans limites envers le système éducatif que je n’ai aucune honte à appeler “abattoir”. Et par la même occasion, Pôle Emploi c’est la boucherie, par effet ricochet.

Autiste ou pas autiste, racaille ou pas racaille, peu importe mon parcours, je suis comme toi, quelque soit ton sexe ou ta couleur de peau. Un morceau de viande. Et en plus, je suis un morceau de viande autiste. Aux yeux des bouchers, je suis au mieux périmé, ou au pire contaminé par je ne sais quel virus sorti tout droit des laboratoires de Monsanto. Putain. C’est quoi cette vie. Bon alors qu’est-ce qu’on fait, on pleure sur un avenir absent ou on va le chercher ?

J’ai pris la décision de marcher pieds nus sur un chemin jonché de ronces et d’éclats de verre. J’ai fini par avoir un moral d’acier… Et des nerfs en carton. Neko Ex Machina, c’était mon premier jeu, un gros torchon fait avec RPG Maker que j’ose à peine regarder. Au moins, ça m’a appris à gérer un projet et à le tenir jusqu’au bout.

Racaille. Ah pardon, je reprends : racaille autiste surdouée. Je sais très bien ce que les gens pensent de moi quand je marche dans la rue, avec mon look extravagant fait de vêtements ordinaires pouilleux et ma dégaine qui rappelle la précarité d’où je viens.

NekoPunk ne te demande rien et ne te doit rien. NekoPunk se développera avec ou sans ton argent, avec ou sans tes yeux rivés sur moi. Je fais mon chemin tranquillement et l’heure viendra à tous ces RH de regretter de ne pas m’avoir embauché. J’avais des choses à offrir, mais pourquoi offrir des diamants à des porcs après tout ?

Je crache à la gueule de ceux qui ne croient pas en mon travail. Croyez en ce que vous voulez, ça ne me regarde pas. Moi, ma dégaine de racaille, mon esprit ultra-rebelle et mon addiction au café et au travail, avec mon bandana et mon apparence extravagante, je suis toujours là et je serai toujours là pour donner aux joueurs ceux dont ils ont envie, lorsque demain vous ne ferez que les considérer comme des vaches à lait. De l’argent ? C’est ça la réussite pour vous ? Vous êtes tristes.

Vous étiez supposés ne pas oublier ce qu’est l’esprit d’un gamer endurci, maintenant vous vomissez des lignes de code pour faire de l’argent sur les enfants facilement manipulables.

J’arrête avec mes pétages de câble et je vous dis à plus tard sur Steam.

Hefka